« CHAROGNES » Cie des Engivaneurs
Un été dans la vie d’un gosse du Tarn.
Un été chargé d’événements qui ponctuent la narration comme des tableaux enchâssés les uns dans les autres. Une boîte à souvenirs dans laquelle s’étiolent goutte à goutte les figures du passé : la pourriture des charognes, la vieille dame chez qui regarder la T.V., le passage des gueux et plus que jamais la mort des animaux : ceux que l’on mange, mais aussi ceux que l’on bat, ceux que l’on tue pour le plaisir de tuer.
A travers le roman se manifeste la violence en cascade : celle des parents envers les enfants, des hommes envers les femmes et des humains envers les bêtes. Une violence incrustée dans la peau qui attaque les paysages, creuse les joues et plonge dans le vitriol les relations humaines.
Le point de vue enfantin nous semble essentiel pour traiter la dureté du monde décrit par le roman. La naïveté comme prisme pour observer la naissance des préjugés. Parmi les préjugés avec lesquels grandit le narrateur, il y a les stéréotypes guidant l’affirmation d’une certaine virilité.
Comment les corps masculins se façonnent-ils dans un monde où préside la violence et où il faut se faire une place ?
C’est ce questionnement qui guide notre démarche tout au long de la création. Nous souhaitons l’incarner dans nos corps de femmes, écrire une forme chorale pour quatre comédiennes, surfer sur le glissement, la porosité des transformations qui agitent les corps de l’enfance à l’adolescence.
Pour ce faire, nous démultiplions la voix narrative en faisant apparaître différentes figures d’enfants. Inventer la gestuelle de ces gamins par un travail physique minutieux. Jouer mais aussi danser les situations qui les agitent. Nous souhaitons ainsi développer une dramaturgie du corps en nous inspirant de processus chorégraphiques et d’improvisation dansée afin de créer des séquences de mouvement en relation au texte et dans lesquelles viendraient s’insérer les mots.
La présentation publique de fin de résidence de création est annulée
« CHAROGNES »
d’après « L’Été des Charognes » de Simon Johannin, Éditions Allia
Durée 50mn.
Compagnie des Engivaneurs
Extrait
« On marchait sur le bord de la route quand on est tombés dessus, ça faisait déjà quelques jours qu’on le cherchait. Il s’était barré après ça, comme si tout de suite il avait senti que ça allait chier pour lui. Il paraît qu’ils peuvent sentir ce genre de choses les chiens, en tout cas lui il avait bien senti.
C’est Jonas qui l’a vu en premier, il était en train de fouiller dans les feuilles avec sa truffe juste à l’entrée du champ qui part sur la gauche de la route, celle qui mène au hameau qu’on habite tous les deux.
On l’a fait venir un peu plus loin jusque dans la remise avec la grille accrochée au plafond qui servait avant à faire sécher les châtaignes dans le bois avec les grands hêtres. Il voulait pas entrer dans la remise alors on l’a frappé bien fort dans la gueule avec un bâton pour qu’il y aille et il a couru se mettre au fond contre le mur.
Nous on s’est tous les deux mis derrière lui, la porte était très basse et il y avait des feuilles mortes partout sur le sol. On y voyait pas grand-chose parce que Jonas et moi on cachait la lumière du jour qui entrait derrière nous, si bien que le chien il a dû voir que nos ombres se pencher et ramasser les pierres au sol et les lui jeter bien fort en plein sur sa tronche de con.Il a commencé à gueuler pire que la mort et nous on l’a défoncé avec les pierres jusqu’à ce qu’il gueule plus du tout. Ça a duré longtemps mais à la fin on aurait dit qu’il restait plus que des poils, du sang et un bruit d’os mouillé qui flottait dans l’air humide de la cabane. »