« Déraillage » Cie Papillon Noir Théâtre

NOTE D’INTENTION

Une enquête est menée pour tenter de retrouver Joshua, dont la disparition inquiète les autorités. Sa soeur Léna collabore, tant bien que mal, au travail d’enquête, elle s’épanche peu à peu sur leur enfance et sur l’évolution de ce frère étrange, sorte de génie-paria, à l’écoute « des voix du monde » dont on comprend qu’il est devenu fou depuis « le soir du train ». Nous découvrons un personnage complexe, à la fois abîmé et désaxé, dont on interroge jusqu’au bout le degré d’innocence.

C’est ainsi qu’à été écrit le personnage de Joshua, sorte de poète-prophète abîmé et fragmenté dont la dimension poétique de la parole se dérobe à l’évidence et qui réussit à livrer une critique du monde, sans jamais dicter une pensée toute faite. Ainsi est-on promené tout au long de la pièce entre deux hypothèses, la culpabilité et l’innocence, à la manière d’une enquête dont le processus dramaturgique suppose d’être maintenu dans un entre-deux.

Ce texte est construit comme un thriller, genre communément rattaché aux formes romanesques ou cinématographiques. On retrouve dans «Déraillage» tous les codes traditionnels de composition et qu’il nous intéresse de questionner. Le thriller offre un terrain d’exploration à mi-chemin entre l’ignorance et la clairvoyance, un couloir mouvant, vacillant entre deux polarités. Le motif dramaturgique de la pièce – outre son titre en soi polysémique – repose précisément sur une énigme : l’énigme du personnage principal, Joshua, dont les intentions et les motivations se définissent par étapes. Le dispositif scénique souligne également ces motifs : trois lieux se répondent et s’interpénètrent, constituant les pièces éparses d’un puzzle.

Un style d’écriture raconte toujours quelque chose de l’histoire d’une société et les modes de narration ne sont jamais un hasard, mais bien plutôt induits par une culture commune, en résonance avec une époque. Le succès des modes fragmentés de diffusion des séries par exemple est sans nul doute lié au nouveau mode d’appréhension du monde par les médias modernes. Impossible de découvrir le monde autrement que par fragments, de manière parcellaire et sous une infinité d’angles et de points de vue qui se superposent et qui souvent se contredisent. Les références aux écrans semblent donc inévitables dans le champ des nouvelles explorations théâtrales.

Dès lors, nous avons décidé d’interroger le langage cinématographique et esthétique du thriller. Il permet d’apporter du relief tant narratif que scénographique. Il permet également des variables narratives simultanées, en superposition ou alternées, par des narrations augmentées ou contraires, véritable ressort dramatique de «Déraillage».

Personnage à part entière, la scénographie participe alors à intégrer à ce spectacle ses parts d’ombres et ses révélations, ses indices et ses tergiversations pour mieux perdre le spectateur dans les méandres de «Déraillage».

Alexandre Serrano et Sophie Girard